Le point de vue du Directeur du musée

Le point de vue du Directeur du musée

La collection du musée français de la Photographie

À travers la collection du Musée Français de la Photographie, deux siècles et demi sont représentés depuis des dispositifs ou images ayant précédé l’invention de la photographie jusqu’aux œuvres ou appareils du XXIe siècle.

Elle se compose de trois grands ensembles :

  • Les matériels photographiques, pour un total d’environ 25 000 pièces, offrent un panorama cohérent et fourni de la production artisanale ou industrielle de matériels de prise de vue, d’éclairage, de laboratoire, de projection, de supports publicitaires, etc. En plus des usages amateurs, les usages professionnels y sont bien représentés : appareils de prise de vue aérienne et sous-marine, de reportage, de photographes forains, d’imagerie scientifique, de reproduction industrielle…
  • Les images, négatives ou positives, relevant de la quasi-totalité des procédés photographiques ou photomécaniques et dont le nombre approche le million d’items.
  • Les documents : ouvrages imprimés (environ 10 000), périodiques (30 000), 100 mètres linéaires de documentation technique, archives de particuliers ou sociétés, etc. Ce fonds très important comprend la plupart des périodiques français et étrangers consacrés à la photographie, de nombreux ouvrages techniques de toutes époques, des monographies d’artistes, mais surtout un ensemble rare et volumineux de catalogues, notices et modes d’emploi de matériels photographiques. Cette dernière catégorie de documents, en cours de classement, est spécifique au musée français de la Photographie. Elle constitue une aide précieuse à l’étude scientifique des objets, mais aussi à la prise en compte du contexte historique et technique dans les travaux consacrés aux usages sociaux de la photographie et dans la réalisation des contenus didactiques.

Si l’on examine la collection de façon chronologique, elle peut être décrite comme suit :

  • Avant la photographie : Le musée conserve des matériels du XVIIIe siècle ou du début du XIXe ayant évolué vers une déclinaison pour la photographie : des chambres noires ou claires de dessinateurs, des dispositifs optiques de divertissement ou d’éducation (« Boîtes optiques », mégaléthoscope de C. Ponti, lanternes magiques…), mais aussi des images issues de techniques manuelles : dessins « à la silhouette », physionotraces, miniatures.
  • Daguerréotypie : Parmi les 337 daguerréotypes conservés, on note la présence d’une vue de 1838 attribuée à Daguerre lui-même et la quinzaine d’images de Jules Itier, premières photographies connues de la Chine (1843-44). L’ensemble du matériel nécessaire à la sensibilisation des plaques, à la prise de vues et au développement est présent dans des déclinaisons diverses de formats ou d’usages.
  • Autres procédés anciens et matériels associés : Plusieurs centaines de matériels et d’accessoires de prise de vues (en studio ou en extérieur), de laboratoire ou d’atelier sont présents en collection : chambres de tous formats et facture, pieds, objectifs, diaphragmes, châssis-presses, verrerie et récipients, outils et accessoires de retouche et finition… de production française ou étrangère.

    Parmi les pièces rares, on notera une tente-laboratoire destinée à la pratique du collodion humide ou une malle pour expédition photographique des années 1860 complète.

Autres procédés anciens :

TypologieProcédésNombre d’entrées à l’inventaire informatisé
NégatifsCalotypie80
 Collodion145
 Trichromie2
Positifs argentiques monochromesAristotypie958
 Papier salé62
 Photographie peinte et crystoléum23
 Platinotypie324
 Portrait-crayon24
 Collodion137
 Tirages albuminés4972
 Tirages au charbon251
 Tirages aux encres grasses et/ou pigmentaires (bromoïl, gomme bichromatée, ozotypie…)176
 Divers (orotone, ivoirytype, kallitypie, panotypie, procédé Van Dyke)21
Positifs monochromes non argentiquesCyanotypie660
Positifs directsAmbrotypie107
 Ferrotypie415
  • Période fin XIXe-XXe siècle : La forte représentation des procédés au gélatino-bromure d’argent constatée correspond à l’industrialisation et à l’explosion des pratiques photographiques dans les années 1880.

    En matière de matériels, la pléthorique production du XXe siècle se traduit par la présence en collection de plus de 6 000 appareils de très nombreux fabricants. Outre les marques célèbres ayant survécu aux bouleversements industriels de la fin du XXe siècle, on y trouve aussi beaucoup de noms oubliés, dont ceux de la production française (plus de 1 000 appareils) : Foca, Richard, Alsaphot, SEM, Royer, Goldstein, Kinax, MIOM, Fex Indo… Ou les nouveaux acteurs issus de l’électronique ou la micro-informatique : Apple, Sony, Logitech…

    Plus d’une centaine d’agrandisseurs sont conservés, parmi plus de 3500 matériels et accessoires de développement ou tirage.
    Près de 700 visionneuses et projecteurs attestent de l’importance de l’image projetée (diapositives sur verre et supports souples).

    L’activité́ photographique amateur s’y trouve fortement présente, qu’il s’agisse de la photographie familiale ou de voyage du début du XXe siècle, ou de l’intense production des photo-clubs de l’après-guerre, dont on a souligné le lien originel avec le musée.

    Négatifs et épreuves se comptent alors en centaines de milliers (inventaire en cours), en particulier sur supports verre et avec une quantité importante de vues stéréoscopiques, largement produites par les amateurs jusqu’à l’entre-deux-guerres.

    Plusieurs centaines d’albums familiaux couvrant tout le XXe siècle sont conservés.

    Les pratiques professionnelles, photographie sociale, publicitaire, d’entreprise, d’illustration sont bien représentées par des fonds comptant parfois plusieurs milliers d’images (négatifs et positifs), mais aussi par des objets témoignant des processus d’édition et de production : planches-contact annotées, maquettes, « poupées », épreuves de travail ou de contrôle, « dossiers photographiques », catalogue d’agences…

    La commercialisation de supports prêts à l’emploi (plaques, films et papiers) est bien illustrée par les publicités et les conditionnements de toutes marques : Eastman Kodak, Lumière, Jougla, Guilleminot, Dufay, Dr Clément, Louvre, Gevaert, Richard,  Recta, As de Trèfle, Bauchet, Crumière, Agfa, Pathé… Pour ne citer que les noms des premières décennies du XXe siècle.

    Les débuts de la photo couleur en « positif direct » sont également présents avec 5920 plaques Autochrome à l’inventaire ainsi que 38 représentants d’autres procédés à réseaux (Dufay, Dufay dioptichrome, Finlay, Joly, Paget Plate, Omnicolor).
  • Photographie contemporaine
    Depuis la fin des années 1990, une politique d’acquisitions soutenue a permis de combler les lacunes de la collection originelle et de constituer un corpus d’œuvres de plus de 100 photographes contemporains.

Enfin, diverses pièces insolites figurent à l’inventaire du musée :

  • La plus grosse pièce conservée par le musée est un banc de reproduction industriel des années 1970 de 2,4 tonnes et 7 m. de long.

Le musée conserve également :

  • une soixantaine de « bijoux photographiques » des années 1860 : des vues touristiques de moins de deux millimètres incluses dans de minuscules visionneuses grossissantes en ivoire (concepteur et fabricant René Dagron),
  • -une dizaine d’appareils camouflés (dits « appareils-espions ») allant du plastron au briquet, en passant par bague, livre ou montre,
  • 44 appareils de prise de vues aériennes, notamment militaires,
  • – 83 images en relief produites par des procédés rares ou expérimentaux : procédés Bonnet et Mengden, photostéréosynthèse Lumière.

Ce survol de la collection, nécessairement concis, fait apparaître à ceux qui la fréquentent quotidiennement l’étendue de ce qui aurait pu être mis en avant et n’y figure pas, mais ce regret est lié à la nature même de l’exercice et nourrit la volonté acharnée d’en montrer toujours plus aux publics d’aujourd’hui et de demain.

Laurent Laliberté
Directeur du Musée Français de la Photographie